Pays visité : Madagascar
Contes pour enfants : La révolution des Serpents
Site : PERSO
La Révolution des Serpents :
Lorsqu’il n’allait pas à l’école Joseph aimait bien accompagner son père à la chasse.
Il faut avouer que ce qu’il aimait par-dessus tout c’était le plaisir de cheminer à ses côtés et de quitter le quotidien domestique.
De plus, ce jour là, il avait la permission de remettre à plus tard ses devoirs.
Il faut dire aussi, que bien souvent, à leur retour leurs trophées se faisaient rares…
A croire que pour son père aussi, cette sortie entre hommes était surtout l’occasion d’arpenter plus précisément la superbe nature de la côte Est de la « Grande Ile ».
Ce jour là, tous les deux quittaient la maison à l’aube après avoir pris un solide petit déjeuner composé d’un bon bol de lait pour Joseph et d’un bol de café pour son père, accompagnés d’un jus de goyave et de beignets bananes.
Ce petit déjeuner avait été préparé dès leur levée par « les manafs » de la maison.
Ils étaient debout depuis 5 heures.
Autant vous dire que le petit Jo était tout excité à l’idée de parcourir la brousse.
Cependant la marche était longue pour atteindre les marais, lieu de repos des sarcelles.
Et oui, C’est là qu’ils se rendaient afin de chasser de leur abri, ces canards sauvages qui s’étaient délectés des semences des rizières.
Cependant, ce jour là, après avoir cheminé pendant 6 à 8 km, une belle aubaine les attendait à l’orée de la forêt : Perchés au plus haut des arbres, une famille de pintades les narguait de leur piaillement aigu.
Le « Kiva » ce mit à aboyer, agacé par ce vacarme, et entreprit de tourner autour des arbres séculaires comme un fou. Ces gesticulations canines ne semblaient nullement inquiéter les pintades qui narguaient de plus belle ce « petit monde » au sol.
Malgré des coups de fusils répétés, son père ne put ramener aucune pintade pour le dîner…
Le soleil était haut au zénith et la faim commençait à tenailler les côtes du Petit Jo lorsqu’ils arrivèrent à proximité « d’un arbre à fleurs ». Alors il convainc son père de faire une halte.
C’était l’hiver mais il faisait doux, 10 à 12 degrés et à Madagascar, les arbres fleurissent toute l’année. Jo observait les abeilles qui invariablement effectuaient une ou deux spirales en l’air, sans doute pour faire diversion, après avoir butiné, et d’un coup piquaient vers leur ruche.
Quel était l’arbre repaire ? L’essaim « vagabond » se trouvait infailliblement dans l’un de ces troncs de Ravenala desséché qui jonchaient le terrain. Jo s’évertua à donner des coups de pied à quelques troncs ici et là et tendit l’oreille pour surprendre les « butineuses ».
Là, enfin, une vraie symphonie, agréablement mise en sourdine dans le creux de l’arbre sec.
Le père de Jo sortit aussitôt de son sac une tabatière à priser et en versa l’équivalent d’une petite cuillérée de tabac sur l’essaim.
Alors, tout le microcosme bourdonnant s’est tapit dans un coin reculé du tronc et Charles Elisabeth, le papa de Jo donna quelques coups de couteau de chasse dans les belles « gaufres » mises à nues par les abeilles.
Ensuite l’un et l’autre garnissent de miel les belles feuilles du Ravenala.
Ce dessert pris, ils se dirigent vers la petite source bien fraîche d’un ruisseau et se délectent de grandes gorgées d’eau apaisantes pour leur gorge sucrée.
Cependant, il faut avouer que depuis leur départ, la gibecière restait invariablement vide !!
Ils reprirent donc leur itinéraire et arrivèrent au bout de quelques km sur les berges d’un fleuve, aux abords d’une superbe et pittoresque cascade.
La température ne permettait pas de se baigner mais le tableau qui se présentait là à leurs regards valait bien une seconde halte.
C’était magnifique !
Quand ils décidèrent de reprendre leur chemin, déjà le soleil faiblissait à l’horizon.
Le retour s’annonçait, alors ils décidèrent d’obliquer vers une clairière parsemée de roches. Là dans ce terrain gorgé du soleil de la journée, une bonne vingtaine de serpents prenaient leurs ébats.
Comme un caducée ils s’enroulaient l’un à l’autre de sorte que seul le bout de leur queue touchait la terre rouge. Cela intrigua énormément le petit Joseph :
- « Papa, qu’est-ce qu’ils font les serpents ?
- Tais-toi, tais-toi ! Il ne faut pas faire de bruit surtout… »
Mais, l’enfant n’était pas convaincu et voulait observer plus précisément cette curieuse gymnastique…A 7 ans, la curiosité ou la soif de connaissance prend le pas sur la prudence…
Alors, il se baissa furtivement et en se relevant lança un caillou en direction des sauriens.
Ces derniers, furieux par le brusque dérangement se dressèrent en leur direction et lâchèrent à l’unisson un sifflement strident.
Ce concert inquiétant de reptiles suffit au petit Jo pour détaler à grandes enjambées bien avant même que son père ne lui intime de se sauver.
Il prit les jambes à son cou suivit de près par le bruit des talons de son père claquant à grande vitesse sur le sol.
Aucun d’eux ne se retourna.
Durant une dizaine de minutes de cette course effrénée, ni l’un, ni l’autre ne prononça une parole et surtout pas Jo qui redoutait une remontrance!...
A tel point qu’arrivés près d’une rivière, il s’y jeta avec « armes et bagages » tenant à bout de bras la sacoche contenant les restes de son déjeuner. La froidure de l’eau ne l’atteint pas, la peur suffisait à lui donner la chair de poule.
Kiva lui, jappait à ses côtés, heureux de pouvoir lui aussi patauger dans la rivière.
Ce soir là, il n’y eut pas de trophées dans la gibecière.
Il n’y eut pas de remontrance, non plus, ce fut pour Joseph une leçon de vie : La brousse ça ne s’improvise pas, ça s’apprend !